Ma mère autrichienne, excellente violoniste, et mon père hollandais, flutiste (non professionnels mais doués tous deux d’une forte musicalité) étaient entourés d’amis musiciens et de grands artistes qu’ils avaient la bonne idée d’inviter chez nous lors de leurs tournées aux Pays-Bas. C’est ainsi que le Trio Pasquier, le bariton Gérard Souzay, le Quatuor Hongrois, Antonio Janigro et tant d’autres logèrent chez nous pour ma plus grande excitation et admiration de mini-pianiste. Et leurs conseils furent religieusement accueillis ! Le pianiste suisse Adrian Aeschbacher, très proche de la famille, fut un exemple pour moi. Lors de ses concerts en Hollande il séjournait toujours chez nous et trouvait à chaque fois un moment pour m’enseigner.
Le Trio Pasquier
C’est dans cette ambiance emplie de musique que mes frères et moi avons eu le bonheur de grandir. Johannes Röntgen, fils du compositeur Julius Röntgen fut notre premier professeur de piano, à tous les trois. Tout en lui était musique… il ne parlait qu’en chantant ! Sa joie musicale était contagieuse ! Mon frère ainé, hautboïste, choisit néanmoins d’être ingénieur, mais le suivant, Gustav, devint un claveciniste connu dans le monde entier : le "Pape" du clavecin et de la musique baroque c’est lui !
Adrian Aeschbacher
Johannes Röntgen
Nelly Wagenaar
Pour ma part, les écoles obligatoires une fois terminées, j’étudiai la théorie musicale chez Anthon van der Horst et entrai au Conservatoire d’Amsterdam auprès de la distinguée pianiste Nelly Wagenaar, enseignement couronné par un diplôme de concertiste obtenu "cum laude". Après avoir reçu le Prix Elisabeth Everts, c’est à Paris chez Yves Nat et Marguerite Long que je poursuivis ma formation.
En tant que soliste, j’ai eu l’honneur et le plaisir de jouer, entre autres, avec le Concertgebouworkest sous la direction d’Eugen Jochum, l’orchestre de la Tonhalle de Zürich sous celle de Jean Meylan, l’Orchestre de Chambre de Lausanne sous Victor Desarzens et avec les London Mozart Players sous la direction de Harry Blech.
Un conseil de mon frère Gustav changea radicalement le début de ma jeune carrière : "Les œuvres doivent être jouées sur des instruments de leur époque !" S’ensuivent dès lors : recherche puis achat d’un Pianoforte (de Carl Andreas Stein, tout d’abord, puis de Benignus Seidner 1815 environ), étude de l’environnement et de la vie de mes compositeurs préférés, Beethoven et Schubert. Pour Mozart l’instrument devait être plus ancien : je le trouvai sous la forme d’une copie d’Anton Walter réalisée par le grand facteur contemporain Paul McNulty.
Depuis une quarantaine d’années mon intérêt, mon activité et surtout mon grand plaisir se concentrent sur le répertoire de la fin du 18e et du début du 19e siècle. Avec la col-laboration de Michel Amsler et du Studio MediaTone, j’ai essayé d’exprimer cette passion dans une trentaine de CDs édités sous différents labels européens et américains, avec respect, joie et… amour !
PianoForte Seidner
C’est en 1992 que Paul McNulty construit à Amsterdam cet instrument d’après un pianoforte d’environ 1795 créé par Anton Walter, à Vienne. Ce pianoforte, héritier de la facture de clavecin, avec ses cordes fines, relativement peu tendues, est entièrement en bois (les renforcements et cadres métalliques apparaîtront plus tard, pour répondre aux exigences de salles de concerts de plus en plus grandes). Les marteaux sont recouverts de cuir, et il a une étendue de cinq octaves (Fa 1 à Sol 3). Deux genouillères assurent les divers registres, de droite à gauche :
Dès sa conception, Paul McNulty avait intégré à l’instrument un troisième registre :
C’est grâce à Christopher Clarke et l’ingénieux ajout d’une lyre fixée sous le piano et retenue par ses deux pieds frontaux que le registre una corda a été mis réellement en fonction au moyen d’une pédale dédiée, liée à la gauche de cette lyre. Deux autres pédales (au centre et à droite de la Lyre), couplées aux genouillères, permettent à l’exécutant d’utiliser indifféremment les genouillères ou les pédales. Les genouillères, d’ailleurs, ont été assez vite abandonnées au profit des pédales, déjà dans la deuxième décennie du 19e siècle.
L’instrument est accordé selon le diapason moyen de la fin du 18ième siècle, en Allemagne et en Autriche, soit environ 415 Hertz.
En 1815/20 Benignus Seidner de Vienne, construit cet instrument entièrement en bois comme le veut l'héritage historique. Les marteaux recouverts de cuir, touchent des cordes déjà un peu plus épaisses que celles des pianoforte du 18ième siècle. L’étendue du clavier est de Fa 1 à Sol 4. Il possède quatre pédales de droite à gauche :
Ce pianoforte possède un très beau placage en noyer qui était teinté, à l’origine, en rouge foncé, pour imiter l’acajou très chic à l’époque. Cette teinte a été retirée au moment de la restauration de 1977. C’est à cette occasion qu’il hérite de cordes en acier, ainsi que de chevilles un peu plus larges.
Ignaz Schubert, frère aîné de Franz, et qui lui adonné ses premières leçons de piano, possédait aussi un pianoforte de Seidner, visible aujourd’hui dans sa Maison Natale (dépendance du Museum de Vienne). C’est un vif plaisir d’imaginer Franz Schubert jouant sur un instrument de Benignus Seidner.
L’instrument est accordé selon le diapason du début du 19ième siècle, en Autriche, soit environ 420 Hertz.
PianoForte McNulty